DÉVELOPPEMENT TECHNIQUE DE L'INTERNET |
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Technologies et StandardsContexte international - Situation en France - Recommandations - Références
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Une dynamique technologique originale
Le développement technique de l'Internet bénéficie d'une dynamique originale. Cette dynamique repose sur les progrès technologiques accomplis dans les domaines des télécommunications et de l'informatique ainsi que sur le développement et le déploiement accélérés des standards qui définissent l'Internet et ses applications.
L'Internet a été conçu pour rendre indépendantes
Le coeur de l'Internet repose ainsi sur le protocole IP (Internet Protocol) qui assure cette indépendance. Chaque développeur d'applications n'a pas à connaître les éléments de l'infrastructure qui permettront d'acheminer les informations. Les développeurs de l'infrastructure n'ont pas à connaître les applications qui seront mises en oeuvre. Ce choix d'architecture explique le nombre et la richesse des applications et usages de l'Internet (voir Chapitre Applications et Usages). Il explique également la grande variété des supports sur lesquels l'Internet se déploie.
Sans chercher l'exhaustivité, quelques technologies-clés sont décrites pour montrer le potentiel de développement technique dont dispose l'architecture de l'Internet.
Dès le début des années 1990, les réseaux de transport terrestres et sous-marins sont passés de technologies radio (réseaux hertziens, cuivre sous-marin, satellites) à des technologies optiques (fibres, amplificateurs) caractérisées par une plus forte intégration, une meilleure immunité aux bruits, une consommation d'énergie diminuée, des débits considérablement accrus et des coûts diminués d'au moins un ordre de grandeur.
L'utilisation puis les progrès des technologies laser (émission, amplification et réception) et du verre (fibre multimode puis monomode) ont permis aux débits de base de passer de 34 Mbit/s (faisceaux hertziens) à 155 Mbit/s pour les premières fibres et d'atteindre aujourd'hui 2,5 Gbit/s, voire 10 Gbit/s. Il convient de souligner qu'à ces débits, les équipements de routage IP doivent évoluer pour tirer parti d'une telle bande passante.
Le maintien, pendant la transmission, d'un rapport signal/bruit acceptable imposait l'utilisation fréquente (tous les 10 à 40km, le pas de régénération) d'éléments chargés d'extraire le ou les flots de données sous forme électrique, de les remettre individuellement en forme (suppression des bruits, correction des erreurs, amplification) et de les réémettre sous forme de signal optique. La fonction d'amplification est aujourd'hui assurée par des amplificateurs purement optiques, séparés par des distances plus grandes (de l'ordre de la centaine de km), capables de traiter simultanément plusieurs flots de données multiplexés dans un même signal optique (WDM, Wave Division Multiplexing) sans complexification accrue. La régénération, qui reste nécessaire sur les très grandes distances, peut être placée directement dans les routeurs de l'ossature du réseau IP.
Les progrès en termes de régénération conjugués aux progrès autour de la fibre optique (nappes de 100 à 400 fibres, enfouies à quelques centimètres de profondeur, plus faiblement alimentées) favorisent la viabilité économique des nombreux projets de réseaux locaux ou intercontinentaux à haut-débit (dix à cent fibres, chacune capable d'écouler 16 à 40 fois 2,5 Gbit/s) et garantissent leur évolution dans le temps. Les facteurs de multiplexages, prévus autour de 300 pour DWDM, associés à un débit de base passant à 10 Gbit/s (OC-192), autorisent un facteur multiplicatif d'environ 100 au niveau du débit.
Le débit de base passe à 10 Gbit/s et le facteur de multiplexage
passe à 300
Aujourd'hui, des architectures électroniques matérielles de commutation spécifiques à la technologie SONET-SDH permettent de constituer des boucles redondantes à partir des fibres point à point, d'y insérer ou d'en extraire des flots locaux (Add and Drop Multiplexors, ADM) et d'agréger les boucles entre elles (Digital Cross Connect, DXC) pour en augmenter la portée ou la redondance.
À l'avenir, la commutation optique, et surtout l'extraction optique qui semble, au mieux, à l'état de prototype de laboratoire, pourrait remplacer l'architecture matérielle SONET-SDH. Les routeurs IP - ayant évolué entre temps vers le tera-bit/s - accèderaient alors directement à l'architecture entièrement optique pour un nouveau gain en termes de prix et de débit de base.
D'autres technologies radicalement différentes pourraient arriver à maturité pour prendre ensuite le relais de la technologie optique actuelle. On peut citer en exemple :
Une industrie en évolution rapide
L'évolution technologique des réseaux de transport se fait par ère correspondant à des changements radicaux des mécanismes mis à contribution (radio, fibre et SDH, tout optique, effets quantiques). Elle suit également la loi de Moore (doublement des débits effectifs tous les x mois) à l'intérieur de chaque ère.
L'innovation suit un cycle plus classique que celui des technologies logicielles de l'Internet. Les laboratoires de recherche publics et privés (Bell Labs, Alcatel) mènent les recherches de base. Des sociétés de technologie (Cienna, Tellabs, Photonetics) développent des savoir-faire éventuellement repris par les grands équipementiers (Lucent Technologies, Alcatel, Nortel, Cisco).
L'évolution rapide et soutenue des processeurs et des mémoires joue un rôle fondamental dans le développement de l'Internet : elle permet d'accompagner - voire de motiver - la demande, toujours croissante, en puissance de traitement et de transmission de l'information.
1971 | 1974 | 1978-79 | 1985 | 1989-90 | 1993 | 1995 | 1997 | 1999 | 2000-01 | |
Architecture (bits) | 4 | 8 | 8/16/32 | 16/32 | 16/32 | 32 | 32/64 | 32/64 | 32/64 | 64* |
Transistors (millions) | 0,002 | 0,01 | 0,03 | 0,270 | 1,2 | 2,8-3,1 | 2,6-5,5 | 5,5-7,5 | 9,5 | 15-30* |
Horloge (MHz) | 0,74 | 2 | 5-8 | 16-25 | 25-40 | 50-60 | 100-166 | 200-300 | 450-600 | >1000* |
Exemples | Intel 4004 | Intel 8080
Motorola 6800 |
Intel 8086
Motorola 68000 |
Intel i386DX
Motorola 68020 |
Intel i486DX
Motorola 68040 SPARC |
Intel Pentium
PowerPC 601 Super SPARC |
Intel PentiumPro
PowerPC 603e Ultra SPARC |
Intel PentiumII
PowerPC G3 Ultra SPARC-II |
Intel PentiumIII
PowerPC G4* Ultra SPARC-III* |
Intel Merced*
Ultra SPARC-IV* |
note: * = annoncé |
Les besoins en puissance concernent tant les équipements applicatifs (serveurs d'applications, PC, terminaux...) que les équipements d'infrastructure (serveurs de connexion, routeurs, passerelles...). A titre d'exemple, chaque image du film d'animation Toy Story aurait demandé 35 heures de calcul sur une station en 1990 mais seulement 7 minutes en 1999. Côté équipement d'infrastructure, on estime que chaque noeud du réseau devra transmettre 10 fois plus d'information qu'aujourd'hui en 2001, et 40 fois plus en 2005. La demande sur ces équipements est considérable si l'on rappelle que chaque Mégabit d'information transmis par seconde (Mbps) nécessite approximativement 1 million d'instructions par seconde (Mips).
Compte tenu de l'évolution, pourtant rapide, des composants matériels, on constate que le gain en puissance brute ne suffit pas à répondre à ces demandes : les constructeurs doivent intégrer dans leurs architectures des modules et des instructions spécifiques permettant de les adapter aux nouveaux usages. C'est ainsi que l'on voit apparaître des processeurs de traitement dotés en standard d'instructions graphiques (MMX, 3D Now!, ...) et que de nouvelles architectures sont annoncées pour des processeurs spécialisés réseau (network processors) à très haute intégration et faible coût.
L'architecture de l'Internet a été conçue pour tirer le meilleur parti des composants matériels et logiciels. C'est ainsi qu'au fur et à mesure des progrès des matériels génériques, de plus en plus de fonctions sont mises en oeuvre en logiciel (routage, nommage, piles protocolaires, sécurité, chiffrement, applications).
L'usage intensif du logiciel est un moteur fondamental de l'Internet : une idée, un protocole ou une fonction peuvent être prototypés rapidement et testés avant d'être réalisés par un matériel spécifique, seulement si les performances ou les coûts l'exigent. Ainsi, il est possible d'acheter un ordinateur généraliste doté d'une carte réseau et, à l'aide de logiciels uniquement, le transformer en routeur, en coupe-feu, en serveur d'information, en station de radio, en lecteur de musique, en salle de jeu virtuelle, en vidéothèque, en téléphone, en magnétoscope. Il est bien sûr possible de s'en servir également pour naviguer sur le Web.
A l'inverse, on observe aussi le retour d'équipements dédiés (serveurs Web de type "boîte noire", navigateurs Web sur téléphone portable, minitel-internet, lecteurs de musique rechargeables, équipements domotiques, ...) qui restent en général compatibles avec un logiciel équivalent s'exécutant sur un ordinateur.
Des composants logiciels à tous les niveaux de l'architecture
Des couches les plus basses de l'infrastructure aux applications mises à la disposition de l'usager, les logiciels remplissent des fonctions très variées :
Chaque classe a un modèle de développement particulier :
Quelques exemples :
Quelques exemples :
Le rôle des organisations de standardisation s'étend pour inclure la notion d'architecture des logiciels. Deux exemples :
L'architecture de l'Internet exploite de nombreux standards issus du monde des télécommunications ou de l'informatique. Plus récemment, les standards du monde de l'audiovisuel ont commencé à prendre leur place sur l'Internet. Les deux organisations (IETF, W3C) qui constituent les moteurs d'évolution de l'Internet sont présentées. Les organisations de standardisation qui prennent en compte l'évolution de l'Internet sont évoquées.
L'IETF est "une communauté vaste et ouverte de concepteurs de réseaux, d'opérateurs, de vendeurs et de chercheurs soucieux de l'évolution de l'architecture d'Internet et de son opération pérenne", et le lieu de standardisation des technologies de l'Internet. Ses groupes de travail sont organisés en 8 thèmes ou domaines ("area") représentatifs des classes de travaux en cours :
Les directeurs de thème sont membres de l'Internet Engineering Streering Group (IESG) qui approuve les documents provisoires (Internet Draft) ayant atteint une maturité suffisante pour devenir RFC (Request For Comment) et précise ceux des RFC qui constituent les standards de l'Internet ainsi que leur niveau de recommandation. L'IESG est chargé de la direction technique de l'IETF.
Le sujet et le mandat des groupes de travail (une centaine aujourd'hui) sont proposés lors des trois réunions annuelles de l'IETF puis élaborés entre le groupe provisoire et le directeur de thème pour être ensuite approuvés par l'IESG. Le groupe de travail est limité dans la durée et dans l'objet. Les membres du groupe sont des personnes, ingénieurs et chercheurs, plus que des représentants formels d'organisations. Ils travaillent principalement par courrier électronique, audio et vidéo-conférence Internet et aussi lors de sessions plénières à l'occasion des réunions de l'IETF. Ils s'appuient sur le credo de l'IETF ("rough consensus and running code") pour élaborer des propositions étayées par des mises en oeuvre effectives ("running code") et rencontrant un consensus suffisant ("rough consensus") parmi les participants.
Le projet Internet (Internet draft) est la concrétisation provisoire des travaux du groupe et doit - dans les six mois de sa parution - être approuvé en tant que RFC par l'IESG ou être amendé et proposé à nouveau, ou être retiré de la publication. De nombreux RFC - souvent purement informatifs - n'ont pas vocation à devenir un standard. Les standards peuvent être obligatoires (Required), recommandés (Recommended), facultatifs (Elective), d'utilisation limitée (limited use) ou déconseillés (Not Recommended). Ils passent de l'état standard proposé (Proposed Standard) à projet de standard (draft standard) puis standard (Standard) selon leur degré d'évolution et de déploiement.
Le Consortium international World Wide Web (W3C) rassemble un peu plus de 330 organisations à travers le monde. Il est hébergé, en Amérique, par le laboratoire d'informatique du Massachusetts Institute of Technology (MIT-LCS), en Europe, par l'INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et Automatique), en Asie par l'Université de Keio. Le consortium a pour mission de "mener le Web à son meilleur potentiel", c'est-à-dire développer un espace d'informations universel où l'utilisateur puisse conduire ses activités
Le Web tiendra ses promesses lorsque
Pour atteindre ces objectifs, le W3C doit
Cette approche originale du développement technique associe les acteurs du marché, les concepteurs de technologies et les besoins du grand public.
Parmi les réalisations les plus significatives du consortium, on peut citer
Il convient également de mentionner les efforts en vue d'intégrer le Web dans le mouvement vers la convergence, en partenariat avec le WAP Forum pour les questions relatives à la mobilité et avec les organisations de standardisation du monde de l'audiovisuel.
Plusieurs organisations nationales, professionnelles ou internationales de normalisation contribuent au processus de standardisation d'éléments de l'infrastructure Internet. Ainsi l'IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) est le lieu privilégié de la normalisation des réseaux locaux (Ethernet à 10, 100 et 1000 Mbit/s, Hiperlan, Firewire, ...). L'ETSI (European Telecommunications Standards Institute) mène une activité de standardisation dans des domaines avancés des télécommunications (téléphonie mobile de 3ième génération, terminaux, voix sur IP, sécurité, réseaux intelligents, ...). Les technologies traditionnelles des télécommunications, dont les technologies optiques et SDH, sont normalisées à l'UIT (Union Internationale des Télécommunications) qui reprend également dans sa nomenclature des normalisations issues, entre autres, de l'IEEE (réseaux locaux) et des Bell Labs (SONET). Forums et consortiums s'attachent à définir avec célérité des fonctionnalités spécifiques (ADSL Forum, ATM Forum, QoS Forum, par exemple).
Une contribution limitée jusqu'à présent
La France s'est engagée avec retard dans le développement technique de l'Internet. Malgré des contributions techniques lors de l'émergence des techniques de routage par paquets, puis la présence significative de la communauté de la recherche française dans les travaux de conception, l'Internet n'a trouvé sa place dans la stratégie des entreprises de l'offre ou de la demande que très récemment. Ce retard se traduit par un déficit important en termes de compétences. Le positionnement meilleur sur les autres technologies de la convergence (télécommunications et audiovisuel) peut permettre de saisir les opportunités nouvelles.
Dans le domaine de la technologie optique, la France est présente grâce aux laboratoires de recherche privés tels que le Centre de recherche d'Alcatel, le CNET et la collaboration Opto+ entre Alcatel et le CNET, ou publics tels que le Laboratoire d'Optique Appliquée (commun à l'ENSTA et Polytechnique) et aux sociétés de technologie telles que Photonetics. Les équipementiers, essentiellement Alcatel, occupent une place internationale significative au niveau optique, fibre (fourniture de fibre, câbles sous-marins et navires câbliers) et équipements SDH.
La France, comme le reste de l'Europe, est quasiment absente du marché des principaux composants matériels utilisés en informatique traditionnelle. Des compétences françaises sont toutefois présentes sur le marché de l'informatique embarquée, avec un certain succès. On peut citer en particulier :
Le développement technique de l'Internet étant piloté par les extrémités (usages, applications et équipements), ces compétences ont devant elles de réelles opportunités de positionnement au niveau international.
La dynamique technologique des composants logiciels a été accélérée à travers le monde (en Californie, en particulier) par la création de sociétés de technologie. Durant les années 80, une première génération de sociétés a vu le jour en France (citons par exemple Business Objects, Ilog, Chorus). Parmi ces exemples, certaines (Business Objects, Ilog) sont maintenant cotées au Nasdaq, d'autres (Chorus) ont intégré de grands groupes (Sun Microsystems). Business Objects par sa migration vers XML, Ilog par ses composants graphiques, Chorus en fournissant un noyau de machine virtuelle Java, sont des acteurs industriels du développement technique de l'Internet. Les opportunités ouvertes par la convergence devraient permettre à des compétences du monde des télécommunications et de l'audiovisuel de créer une nouvelle génération de sociétés de technologie sur des sujets tels que la téléphonie sur IP (Aplio), la télévision sur le Web (CanalWeb) ou les terminaux Web grand public (Netgem). Certaines de ces sociétés parient sur l'utilisation de logiciels libres, Linux notamment (Netgem, Cyberdesk).
Le déficit de compétences françaises est particulièrement apparent dans les organisations de standardisation de l'Internet (IETF, W3C). Bien que l'hôte du W3C en Europe soit hébergé à l'INRIA et que les société françaises aient été impliquées dès l'origine à la mise en place du consortium, la participation aux travaux est significativement insuffisante pour espérer atteindre une place de leader. De même, les contributions françaises aux travaux de l'IETF (IPv6, UDLR...) ou de l'IEEE (Hiperlan) sont souvent dues au bon niveau de la recherche publique sans que cela ne se soit traduit par des résultats de nature industrielle, jusqu'à présent.
Enrichir la culture de l'Internet et des technologies de la convergence
La recherche en technologies de l'information est désormais devenue une priorité dans tous les pays du monde. S'agissant des technologies de l'Internet, la France doit, en plus, faire face à une situation où le retard accumulé demande des mesures d'urgence. L'augmentation du financement public de la recherche doit être réparti entre les laboratoires publics et privés de manière à couvrir les aspects les plus avancés aussi bien que les expérimentations proches du déploiement. L'effort doit aussi être conduit en accord avec la culture de l'Internet. Encourager le développement de logiciels libres est un moyen de créer un réseau de compétences rompu aux pratiques de la communauté de l'Internet. Le stade de développement de l'Internet soulève de nombreuses questions à caractère multidisciplinaire (techniques, économiques et sociales). La France a les ressources pour rassembler une communauté apte à fournir des solutions réalistes aux questions de fond posées au développement de l'Internet.
Au fur et à mesure que les compétences nationales se développeront, la participation aux organisations et aux manifestations internationales devra être soutenue pour permettre à la communauté française d'apporter sa contribution.
©1999 - Mission Développement technique de l'Internet - Mise à jour : 17/06/1999 - webmaster