DÉVELOPPEMENT TECHNIQUE DE L'INTERNET

Modèles Economiques

Contexte international - Situation en France - Recommandations - Références

 

 

Des modèles économiques en perpétuelle évolution

L'objet de ce chapitre est de mettre en évidence les liens entre le développement technique de l'Internet et les modèles économiques pratiqués. En aucun cas, ce chapitre ne doit être lu comme une étude détaillée des conditions économiques du déploiement de l'Internet. Il s'agit plutôt de souligner les mécanismes qui peuvent permettre à l'infrastructure d'évoluer ainsi que de comprendre comment les mécanismes de marché sont soutenus par l'émergence de nouvelles solutions technologiques.

Contexte international

Applications et Usages

A la fois médium de communication, canal de distribution, et plate-forme d'expérimentation en grandeur nature, l'Internet autorise et encourage la créativité dans les applications, les contenus et les usages, mais également dans les modèles économiques associés.

Le modèle publicitaire

Le coût extrêmement faible de publication sur l'Internet, comparé à d'autres média comme la presse, la radio ou la télévision, permet le développement rapide d'un modèle économique basé sur la publicité : selon une étude menée conjointement par l'Internet Advertising Bureau (IAB) et PriceWaterhouseCoopers, les revenus publicitaires sur l'Internet dans le monde ont progressé de 112% pour atteindre 1,92 milliards de dollars en 1998.

Pour tirer profit de ce modèle, il faut drainer un large public sur son site : les moteurs de recherche, les portails et les sites des fournisseurs d'accès Internet sont logiquement devenus les premiers générateurs de revenus publicitaires, du fait de leur audience :

Les 10 domaines les plus visités dans le monde - Source Mediametrix, mai 1999
Rang Domaine Visiteurs (millions/mois)
1 Aol.com 31,43
2 Yahoo.com 31,02
3 Msn.com 21,54
4 Go.com 21,18
5 Geocities.com 20,91
6 Netscape.com 19,93
7 Excite.com 16,65
8 Microsoft.com 16,25
9 Lycos.com 16,10
10 Angelfire.com 14,17

C'est ainsi que l'on voit des sociétés ayant acquis une notoriété suffisante exploiter ce modèle économique, soit en complément, soit en remplacement de leur modèle initial. Un exemple caractéristique est la société Netscape Communications, qui a mis toute une partie de ses logiciels en Open Source (code source libre de droits) et a développé un modèle économique publicitaire sur son NetCenter, ceci ayant d'ailleurs conduit à son rachat par une société de contenus, America On Line (AOL).

En permanence, les sites exploitant le modèle publicitaire fournissent gratuitement (aux visiteurs) des produits et des services sur leurs sites, comme par exemple les courriers électroniques, les agendas électroniques, les messages instantanés, les traductions multilingues, et même la connexion à l'Internet. La créativité est de mise pour attirer de nouveaux visiteurs et vendre de la publicité. Cette tendance contribue à propager le mythe que l'Internet est gratuit, alors qu'il est plutôt propice au développement de nouveaux modèles économiques.

La réaffectation des marges de distribution

Distribuer par Internet permet au cyber-commerçant de supprimer tout ou partie de sa chaîne de distribution et de récupérer pour son propre compte les marges habituellement consenties à ses intermédiaires. Le bénéfice de cette distribution directe est alors multiple :

L'économie réalisée sur les coûts de distribution est significative pour beaucoup de produits. Le tableau suivant publié par l'OCDE en donne quelques exemples :

Coûts par transactions en dollars - Source : OCDE, 1999
Billets d'avion Services bancaires Paiement de factures Logiciels informatiques
Système traditionnel 8,00 1,08 2,22 à 3,32 15,00
Par Internet 1,00 0,13 0,65 à 1,10 0,20 à 0,50
Economie (%) 87% 89% 71 à 67% 97 à 99%

En conséquence, Amazon offre des réductions de 20 à 30% sur les livres et les disques, 50% sur les best-sellers, tout en proposant à ses clients de lire ou d'écrire des commentaires sur les produits achetés, en suggérant des produits sur des thèmes connexes, ou des produits que d'autres clients ont acquis avec le produit acheté, etc. Dell Computer, en offrant de substantielles réductions par rapport au prix de vente des ordinateurs chez les détaillants, et en permettant à ses clients de construire leur configuration personnalisée en ligne, réalise plus de 80 millions de francs de vente par jour sur l'Internet.

La mutation des métiers

Le commerce en ligne bouleverse les structures de distribution traditionnelles et entraîne inévitablement la disparition de certains intermédiaires de distribution. Elle offre en revanche des opportunités pour de nouveaux métiers, par exemple des places de marché électroniques, qui conseillent les consommateurs, les aident à identifier les produits adaptés, les meilleurs prix, etc. Les modèles économiques associés peuvent alors être basés sur de la publicité, sur des abonnements, ou sur des redevances collectées lors des transactions finalisées.

Autre exemple de nouveau métier, celui des autorités de certification électronique, comme VeriSign Inc., dont le but est de sécuriser les transactions commerciales en rassurant le client et le commerçant sur leurs identités respectives, et éventuellement en assurant le risque financier en cas de transaction frauduleuse. Le marché pour de tels acteurs est encore très ouvert. La mise en place des mécanismes est, en effet, dépendante de la disponibilité naissante des standards et des solutions technologiques ainsi que des législations correspondantes, concernant le cryptage des transactions, les conversions de devises, le calcul des taxes, les mécanismes et procédures de recours, etc.

On observe donc des entreprises changer plusieurs fois de modèle économique et parfois de métier pour s'adapter à des règles économiques évoluant avec le développement de l'Internet : par exemple, des deux sociétés pionnières des solutions de commerce électronique, DigiCash et FirstVirtual, la première est en dépôt de bilan et cherche depuis novembre 1998 des partenaires et repreneurs, alors que First Virtual, plus mobile, semble avoir trouvé un second souffle en se reconvertissant dans les systèmes et services de messagerie pour les transactions contractuelles (elle s'appelle aujourd'hui MessageMedia). Autre exemple, un établissement bancaire s'appuyant de façon stratégique sur la relation de proximité avec ses clients se met en danger s'il ne prend pas en compte la mutation du concept de proximité du fait de l'Internet. Le risque est maximal dans l'immobilisme.

La distribution des produits numérisés

Le bouleversement potentiel des structures et des modèles économiques traditionnels de distribution est encore plus important pour les produits numérisables : typiquement journaux, logiciels, musique, photos et films. Plusieurs questions se posent concernant les modèles de rémunération de ces produits.

Tout d'abord, la prolifération sur l'Internet de produits numériques gratuits rend délicate la tarification. Il faut de sérieux critères différenciateurs pour justifier un produit payant. La presse écrite traditionnelle par exemple, a le choix soit de proposer une version électronique gratuite de sa publication, elle doit alors trouver un autre modèle économique pour rentabiliser cette version, soit de proposer une version payante, elle devient alors non-compétitive devant les sources d'information gratuites (rentabilisées par la publicité par exemple). Si le modèle économique publicitaire ne lui convient pas (du fait de son image, ou d'une diffusion très limitée à une cible de spécialistes), il lui faut alors inventer de nouveaux modèles.

Le problème est similaire pour les logiciels informatiques, où de nouveaux modèles initialement à vocation non-économique se sont déjà répandus : logiciels en freeware (code binaire gratuit) ou en Open Source (code source libre de droits). Aujourd'hui, ces modèles sont adoptés en tant que modèles économiques où le logiciel est donné et les à-côtés sont vendus. Par exemple, Red Hat Software met gratuitement le système d'exploitation Open Source Linux à disposition sur son site Internet, tout en vendant une version sur CD-ROM (comprenant de la documentation, des applications, du support à l'installation...), ainsi que du support technique, de la formation et de la certification, etc.

En ce qui concerne la musique, la transformation des modèles économiques risque d'être encore plus radicale : l'apparition de formats et de logiciels de numérisation compressés, comme MP3 ou Windows Media Technologies, permettent de télécharger les oeuvres, de les enregistrer sur disque compact ou sur des enregistreurs-lecteurs adaptés, et même de les redistribuer à l'infini dans leur qualité originale. Comme dans le cas du logiciel, et à terme des photos et des films, toute la chaîne de production et de distribution musicale est menacée, à commencer par les auteurs qui, si les technologies et/ou les législations ne sont pas adaptées, pourraient ne plus percevoir de droits sur la diffusion finale de leur oeuvre. Des organismes comme le RIAA (Recording Industry Association of America) tentent de trouver des parades techniques et légales à ce phénomène, mais il est probable qu'à terme d'autres modèles économiques devront de toute façon être inventés.

Réseaux de transport, Boucle Locale, Interconnexions

Economie des opérateurs

De l'investissement public initial au déploiement privé

Au début des années 90, l'intérêt naissant des opérateurs de réseaux privés pour le trafic IP a posé pour la première fois la question de l'interconnexion d'opérateurs privés dans le cadre Internet (Voir le chapitre "Interconnexions" et son annexe ainsi que le rapport NCS pour les définitions et les acteurs). Le refus de la NSF (National Science Foundation) d'assurer le transport d'un trafic de type commercial conduit à l'époque CerfNet, Psi et UUnet/AlterNet à créer leur propre centre d'interconnexion en Californie, le CIX (Commercial Internet eXchange). Le modèle de l'interconnexion dans des centres communs avec accord réciproque de tarification (peering) est institutionnalisé avec la création par la NSF après 1994 de quatre centres d'interconnexion ou NAP (Network Access Point) dont la gestion est confiée à des opérateurs privés (à New York avec Sprint, à Washington avec MFS, à Chicago avec Ameritech et à San Francisco avec Pacific Bell).

Lorsque le développement commercial de l'Internet conduit la NSF à abandonner son rôle d'opérateur au profit de MCI, en 1995, l'organisation de l'Internet se développe suivant un modèle en trois niveaux : des fournisseurs de dorsales (Tier 1) assurent l'interconnexion longue distance au profit d'opérateurs intermédiaires (Tier 2), gérant un réseau régional, eux-mêmes fournissant à des réseaux d'entreprises ou à des opérateurs locaux qui commercialisent (Tier 3) un accès Internet "au détail". Aux Etats-Unis, l'établissement des sites d'interconnexion concrétise cette organisation hiérarchique de la prestation d'accès : des fournisseurs d'accès sont en contact avec l'abonné final, s'interconnectant dans des centres locaux à des prestataires de réseaux régionaux à même d'amener le trafic jusqu'à un NAP sur lequel se trouve un point de présence d'un FAI (Fournisseur d'Accès Internet) "global". En Europe, à la même époque, les opérateurs européens tirent parti de la qualité des moyens disponibles dans les centres américains pour réaliser l'échange de leur trafic aux Etats-Unis, rallongeant ainsi le nombre de routeurs traversés par les paquets effectuant des trajets trans-européens.

De la transparence à l'opacité

A côté de la dorsale MCI, plusieurs autres infrastructures longue distance ont été mises en place par des opérateurs comme UUnet ou Sprint. Ces acteurs ont depuis eu tendance à vouloir entrer en contact avec le client final et ne voient pas d'intérêt à établir des relations contractuelles d'égal à égal avec les prestataires d'accès locaux. Il en a résulté la disparition du modèle hiérarchique initial et le contournement des NAP par les grands FAI qui préfèrent établir des relations commerciales bilatérales. Les centres d'interconnexion qui imposaient une tarification multilatérale entre les opérateurs, comme le CIX, voient de manière corollaire les principaux FAI se retirer. Alors qu'usuellement dans le cadre d'un NAP, un FAI ne devait supporter que les frais de fonctionnement du site et éventuellement payer un droit d'entrée non-récurrent, l'apparition de relations commerciales bilatérales conduit donc maintenant à l'apparition d'une rémunération du FAI local au FAI global.

L'organisation de l'interconnexion pose un problème économique difficile du fait de l'absence de garantie de service inhérente à Internet. En l'absence d'information sur l'état du réseau des opérateurs, il est impossible de s'assurer qu'un opérateur ne limite pas l'accès à ses ressources en se réservant une partie de la bande pour lui-même et en restreignant la ressource mise à disposition par le trafic de tiers sur son réseau. Plus généralement, il semble que les accords d'interconnexion bilatéraux soient entourés de beaucoup de confidentialité, laissant penser que les conditions offertes ne sont pas identiques pour tous. Il existe, d'autre part, le risque de permettre, au travers de son interconnexion, à un opérateur de bénéficier d'une qualité de service accrue du simple fait de son interconnexion à des réseaux permettant des débits importants : l'investissement de tiers profite donc directement à cet opérateur même en l'absence d'investissement de sa part. Ces différents facteurs montrent la difficulté d'obtenir une bonne visibilité sur l'état global de la qualité du réseau, mais en même temps l'importance de cette visibilité pour le bon fonctionnement de l'économie du secteur.

L'apparition de nouveaux acteurs

Aujourd'hui cependant, la fourniture de capacité de communication se développe très rapidement du fait de l'intervention de nouveaux entrants. Des acteurs comme Level 3, Global Crossing ou Qwest investissent massivement sur le déploiement de fibres optiques. Ces sociétés se présentent d'abord comme des fournisseurs de capacité "en gros", sans cependant s'interdire de développer l'aspect opérateur (par le biais de filiales, par exemple). Leur stratégie réside dans l'installation de liaisons surdimensionnées : eux-mêmes déploient des centres d'hébergement d'applicatifs et serveurs (Web, Oracle, SAP, ...) complétés de quelques clients finals majeurs, assurent seuls l'assemblage d'un gros volume de communications, et revendent ensuite le surplus sous forme de fibre noire aux autres opérateurs. Enfin leurs partenariats et investissements stratégiques avec des fournisseurs et exploitants de boucles locales rapides (ADSL, boucle locale radio) visent à éliminer le goulot d'étranglement vers leurs gros tuyaux. L'élément stratégique du développement de ces nouveaux opérateurs est l'accès aux droits de passage, qui leur sont indispensables pour déployer leurs réseaux.

L'apparition de nouveaux métiers

L'augmentation de l'offre en matière de télécommunications tend à promouvoir l'apparition de marchés spots de bande passante. Des entreprises, comme Band-X, RateXchange ou Arbinet, se positionnent sur ce créneau en mettant en place des centres d'interconnexion au sein desquels est réalisée la compensation de l'offre et de la demande en matière de communications de données à longue distance. Parallèlement, apparaissent des centres d'hébergement multi-FAI, déployés dans les centres d'interconnexion ou à proximité de ces derniers. Ces lieux d'hébergement d'équipements techniques (par exemple : telehouse à Londres et Paris) dispensent les FAI de constituer et d'exploiter eux-mêmes les locaux et l'environnement indispensables à leur présence sur chaque pôle économique. Cette tendance renforce le mouvement actuel de constitution de sites de concentration des communications de données en Europe, où s'opère le raccordement des réseaux européens aux artères très haut débit transatlantiques. La présence d'un tel site de concentration est un avantage pour les opérateurs Internet de moyenne taille du pays hôte, qui dispose d'un accès plus facile. Un site de concentration peut aussi attirer l'implantation de sites stratégiques pour des sociétés ayant de gros besoins en communications.

Structuration de l'offre

Alors que, dans les premières années de l'ouverture d'Internet au secteur privé, la croissance du réseau a reposé largement sur l'infrastructure physique développée par les opérateurs de télécommunications traditionnels par l'intermédiaire de la location de capacité, les conditions de l'offre sont aujourd'hui en place pour que les opérateurs se dotent des moyens de communication dédiés au transport Internet en achetant de l'infrastructure auprès de fournisseurs de fibre noire. Un opérateur comme Cable & Wireless, par exemple, a annoncé en novembre 1998 le lancement de la constitution d'un réseau haut débit reliant 18 villes. Ce réseau sera réalisé en achetant de la fibre noire auprès de la société Global Crossing. Le caractère pérenne d'une telle structuration du développement de l'infrastructure reste difficile à prédire. En effet, les sociétés déployant la fibre sont de création récente et constituent des proies tentantes pour les opérateurs de télécommunications traditionnels.

Parallèlement à la constitution d'interconnexion pour la réalisation de communications à grande échelle, la maîtrise de bout en bout du réseau par un même opérateur, si elle ne s'inscrit pas dans les traditions de constitution d'Internet, peut cependant devenir un atout stratégique de l'offre en ce qui concerne la diffusion multimédia, cas encore particulier mais qui pourrait se généraliser avec le développement de l'accès haut débit. EUnet International (filiale de Qwest) a pu ainsi lancer son offre EUnet Multimedia Network Services en s'appuyant sur huit serveurs relais et sur sa capacité à contrôler les communications de bout en bout : il propose d'assurer pour ses clients la diffusion d'événements sous forme de programmes multimédia "en direct".

Economie de l'accès

Les grandes entreprises

La fourniture de télécommunications aux grands comptes va à l'avenir nécessiter la mise en place d'une réelle plus-value de la part d'un opérateur traditionnel. Avec l'extension des services sur IP, il deviendra en effet assez économique pour ces entreprises de constituer leur propre réseau de données et de limiter leur coût à la location d'un raccordement à un fournisseur de capacité. Dans ce contexte, la valeur ajoutée d'une offre se fera au travers de la capacité de l'opérateur à fournir et garantir un certain niveau de qualité au sein de l'infrastructure.

Il est difficile de prédire la manière dont se structurera ce type de solution. Des fournisseurs d'infrastructure globale pourront être amenés à profiter de leur stature pour se rapprocher de l'entreprise et offrir un service bout-en-bout, comme cherche à le faire aujourd'hui Worldcom. Pour les acteurs ne possédant pas ce type de ressources, le rôle des marchés-spot devrait jouer un rôle important pour assurer une offre au meilleur prix.

Le grand public

Du point de vue de l'utilisateur grand public, le prix de l'accès est la combinaison d'un forfait payé au fournisseur d'accès et du prix de la communication téléphonique locale pour accéder au service. Du point de vue de l'offre, les recettes peuvent également inclure les revenus publicitaires ou des rémunérations sur les transactions effectuées depuis le site. L'équilibre entre la part demandée à l'utilisateur final et la part demandée aux partenaires (publicité, commerce électronique) est décisif pour le déploiement de l'Internet dans le grand public. De plus, la formule proposée à l'utilisateur (facturation forfaitaire ou facturation au temps) est également un élément essentiel.

Les deux formules correspondent à des marchés différents et devraient à terme trouver leur place.

Economie des services

Vers les modèles économiques de la convergence

La concurrence entre les services issus du monde de l'audiovisuel et les services issus du monde de l'Internet devrait se développer dès que la différence de qualité d'image se sera estompée.

Les positions dominantes sur les nouveaux services se jouent dès à présent au travers des connexions à haut débit. Les plates-formes de contenus associées à l'accès Internet par le câble ou par ADSL, éventuellement par satellite, préfigurent les offres de contenus du futur Internet. Le positionnement d'une offre sur ces plates-formes constitue donc une étape stratégique pour anticiper l'évolution de la qualité de l'infrastructure.

Des sociétés d'origine américaine comme @Home se positionnent d'ores et déjà comme les FAI et fournisseurs de contenus des abonnés à l'accès Internet par le câble. Elles cherchent à fédérer des plaques pour offrir une communication haut débit de bout-en-bout et mutualiser ainsi des services haut de gamme. Ces derniers sont caractérisés par une utilisation intensive de la vidéo, couplée avec les fonctions offertes par l'interactivité. La mise en place de ces offres permet à ces sociétés d'anticiper sur le développement de futurs niveaux de performance des réseaux et sur la banalisation des accès haut débit.

Les opérateurs du câble américain ont saisi le caractère stratégique de leur position et ont entamé les investissements conséquents de mise à niveau de leur infrastructure. Les besoins en capitaux correspondants sont à l'origine d'un nouveau mouvement de concentration de cette industrie, avec notamment l'intervention remarquée d'ATT qui trouve là le moyen de venir concurrencer les opérateurs locaux sur leur marché. Dans le même temps, de nombreux déploiements de services ADSL ont lieu. Il faut s'attendre, en effet, à ce qu'une fois le choix du support réalisé, l'abonné ne sera que peu enclin à changer de moyen d'accès en raison des opérations techniques nécessaires.

Situation en France

Applications et Usages

Une prise de conscience récente

En France, 1998 a été l'année de lancement du modèle économique publicitaire : les revenus bruts publicitaires sur Internet sont passés de 29,6 MF en 1997 à 113,8 MF en 1998, soit une progression de 284%, selon l'IAB et PriceWaterhouseCoopers. A noter que le potentiel de progression de ces revenus est encore important, puisqu'ils ne comptent que pour 0,11% des 77 milliards de francs investis en publicité en France en 1998, contre 32% pour la presse écrite par exemple. Comme dans le reste du monde, 63% des revenus publicitaires en 1998 proviennent des sites portails des fournisseurs d'accès et des moteurs de recherche.

L'année 1998 et le début de 1999 ont vu apparaître un certain nombre d'initiatives de commerce électronique, où l'opportunité de ce type de commerce est exploitée par de nouveaux acteurs, ou de petits acteurs existants. C'est seulement au deuxième trimestre 1999 qu'on assiste au réveil de grands groupes, avec des investissements et des projets de déploiement à grande échelle : on peut citer par exemple la prise de participation de Bernard Arnault à hauteur de 150 millions de dollars dans la société de courtage en ligne Datek Online, ou le rachat par la FNAC des sociétés Alibabook et de la Société française du Livre, avec une annonce de fusion dans le site FNAC Direct pour l'automne prochain.

Concernant la distribution en ligne de produits numériques, les initiatives françaises visibles sont très limitées. Récemment, la FNAC a ouvert un "magasin virtuel de musique" où des titres musicaux et vidéo sont proposés en téléchargement payant, le paiement s'effectuant par carte bancaire ou par porte-monnaie électronique. Des logiciels permettant de jouer ces titres, de les remixer et de les graver sur disque compact sont disponibles gratuitement en téléchargement.

Il semble donc qu'une prise de conscience ait eu lieu, généralement sous la pression de la compétition internationale, tant chez de petits acteurs à la recherche d'opportunités que chez un certain nombre de grands groupes français, en particulier dans les secteurs proches de l'informatique et du multimédia. L'incertitude réside encore dans d'autres secteurs comme la banque, les loisirs, l'automobile, etc., quant à la capacité d'adaptation et de mutation des acteurs français.

Réseaux de Transport, Boucle Locale, Interconnexions

Marginalisation des capacités d'interconnexion nationale

Londres et Stockholm s'imposent comme "hubs" européens

L'évolution de la capacité de communication entre un pays européen et les Etats-Unis ramenée par tête d'habitant, est une caractéristique d'une part du développement de la maturité du marché national de ce pays, mais aussi de sa capacité à capter la demande en communications transatlantiques de ses voisins. Suivant ce critère, deux pays se détachent nettement : la Grande-Bretagne et la Suède, suivis par l'Allemagne. La France est largement en retard (voir étude OCDE DSTI/ICCP/TISP (99) 4).

La chute brutale des prix observée dans les derniers mois (division par trois des prix environ) des liaisons entre Paris et Londres, en raison de la concurrence sur ce segment, atténue l'impact financier pour les opérateurs français, mais consacre, en même temps, le rôle central de la Grande-Bretagne en tant que passerelle vers les Etats-Unis pour le trafic français.

La possibilité d'une marginalisation de l'infrastructure française est réelle. Malgré la présence en France de trois centres d'interconnexion (deux à Paris opérés par France Télécom et un à Grenoble), les possibilités offertes par l'infrastructure britannique risquent de conduire les opérateurs français à préférer réaliser leur interconnexion à Londres plutôt qu'à Paris.

Les coûts des accès de base pour les entreprises et le grand public

Une tarification qui ne prend pas assez en compte le développement de l'Internet

Beaucoup d'entreprises françaises sont connectées à des débits insuffisants pour tirer un réel bénéfice de l'usage de l'Internet. Parmi les raisons invoquées, les tarifs des liaisons louées reviennent couramment. Aux Etats-Unis, les entreprises s'équipent au moins avec une ligne T1 (1,5 Mbit/s). La bande passante étant souvent supérieure au besoin réel, des initiatives nouvelles peuvent être prises pour enrichir le service. En France, les liaisons comprises entre 64k et 256k sont encore la règle, la bande passante est donc toujours limitée par des raisons budgétaires et limite ainsi le développement de fonctionnalités nouvelles.

Pour le grand public, après les offres récentes d'"Internet gratuit" qui maintiennent la facturation au temps (puisque l'usager paie la communication téléphonique locale), France Télécom a introduit un forfait (en fait 20 heures par mois en heures creuses) qui est un premier pas vers une vraie incitation à l'usage de l'Internet. Cette initiative est encore trop modeste pour changer réellement les habitudes d'usage. L'idée de "Forfait deuxième ligne" où un particulier peut utiliser une seconde ligne pour accéder à l'Internet devrait être de nouveau débattue.

Le retard sur la boucle locale haut débit

La dérégulation des télécommunications l'emporte sur le déploiement de l'Internet

Alors que la France avait réalisé des expériences pionnières en matière d'accès Internet par le câble et l'ADSL, le déploiement des offres commerciales a été freiné par des problèmes de mise en oeuvre de la déréglementation. Concernant les réseaux du plan câble, les difficultés rencontrées pour parvenir à une entente commerciale entre le détenteur des infrastructures techniques et les exploitants commerciaux ont conduit à une série de contentieux et ont ainsi repoussé le lancement effectif des services. En matière d'ADSL, le contexte de l'ouverture à la concurrence du marché des télécommunications conduit également à un retard dans le déploiement d'une offre haut débit.

La qualité des infrastructures câble et réseau téléphonique en France représente pourtant un avantage économique important pour le développement des nouvelles solutions techniques d'accès. Ces atouts restent malheureusement aujourd'hui exploités de manière insuffisante.

Recommandations

Permettre la coexistence de modèles économiques différents
  • Encourager la concurrence des différents modèles économiques sur la boucle locale (tarification forfaitaire ou au temps pour l'accès à Internet, ...)
  • Assurer la transparence des prix de transport
  • Encourager la variété des modèles économiques pour les services (publicité, paiement à la transaction, ...)

Le développement de la boucle locale est un élément décisif du déploiement de l'Internet. Profitant de l'élan donné par la dérégulation, l'animation de la concurrence est essentielle pour un déploiement efficace et adapté à des besoins spécifiques variés. De même, la concurrence sur les réseaux de transport a besoin d'un minimum de transparence pour exercer ses effets. Enfin, les nouveaux services doivent faire preuve de créativité en matière de modèles économiques. Les pouvoirs publics doivent être à l'écoute et encourager les initiatives les plus innovantes.

 

 

Références

L'Internet Advertising Bureau (IAB)
http://www.iab.net
Etude de l'IAB sur les revenus publicitaires en France
http://www.iabfrance.com/images/confpress080499/sld001.htm
http://www.iabfrance.com/images/confpress080499/sld004.htm
http://www.iabfrance.com/images/confpress080499/sld005.htm
http://www.iabfrance.com/images/confpress080499/sld012.htm
La société de services PriceWaterhouseCoopers
http://www.pwcglobal.com
La société Netscape Communications
http://home.netscape.com
Le centre d'affaires de Netscape Communications
http://home.netscape.com/netcenter
La société America On Line (AOL)
http://www.aol.com
La société Amazon
http://www.amazon.com
La société Dell Computer
http://www.dell.com
http://www.euro.dell.com/countries/fr/fra/gen/corpinfo/pressoffice/default_009_1999.htm
La société VeriSign
http://www.verisign.com
La société DigiCash
http://www.digicash.com
La société FirstVirtual
http://www.firstvirtual.com
La société MessageMedia
http://www.messagemedia.com
La société Red Hat Software
http://www.redhat.com
Le système d'exploitation Linux
http://www.linux.org
Un site d'information sur le format MP3
http://www.mp3.com
Communiqué de presse sur "Windows Media Technologies"
http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/news/40Launch.asp
L'association RIAA (Recording Industry Association of America)
http://www.riaa.com
La société de courtage en ligne Datek Online
http://www.datek.com
La société Alibabook de vente de livres en ligne
http://www.alibabook.com
Le site FNAC Direct de la FNAC
http://www.fnac.fr
Le "magasin virtuel de musique" de la FNAC
http://fnac.audiosoft.com
Interconnexion des opérateurs aux Etats-Unis (description, histoire, acronymes)
http://www.ncs.gov/n5_hp/html/int-3def.html
Nouveaux acteurs de la fibre noire : Level 3, Global Crossing, Qwest
http://www.level3.com
http://www.globalcrossing.bm
http://www.qwest.net/index_hi.html
La société telehouse : The secure data communication centre
http://www.telehouse.net
Marchés spots de bande passante : Band-X, RateXchange, Arbinet
http://www.band-x.com
http://www.ratexchange.com/index.html
http://www.arbinet.com
La société Cable & Wireless
http://www.cablewireless.com
La société Worldcom
http://www.internetmci.com
La société Infonie
http://www.infonie.fr
La société At Home
http://www.athome.net
La société Chello
http://www.chello.com
La société AT&T
http://www.att.com
La société de courtage en ligne Datek Online
http://www.datek.com
La société Alibabook de vente de livres en ligne
http://www.alibabook.com
Le site FNAC Direct de la FNAC
http://www.fnac.fr
Le "magasin virtuel de musique" de la FNAC
http://fnac.audiosoft.com
Effondrement des prix des liaisons sur Paris - Londres
http://www2.viatel.com/lazard/sld013.htm
Global Telecom Rout : All roads lead to the States (in Red Herring, février 1999)
http://www.redherring.com/mag/issue63/news-telecom.html
ART : Consultation publique sur le développement de la concurence sur le marché local
http://www.art-telecom.fr/publications/index-d-consult.htm

 

 

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