DÉVELOPPEMENT TECHNIQUE DE L'INTERNET |
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InterconnexionsContexte international - Situation en France - Recommandations - Références
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Topologie pilotée par le contenu
C'est de l'interconnexion au niveau IP de réseaux bâtis sur des technologies variées qu'Internet tire son qualificatif de réseau de réseaux. Ce mécanisme d'interconnexion permet de tirer parti de toutes les formes de réseaux ("IP over everything"). Il permet également à chaque utilisateur de communiquer avec les utilisateurs des autres réseaux partout dans le monde ("ubiquitous IP").
Les aspects les plus techniques et l'histoire de l'interconnexion dans l'Internet sont présentés en détail dans l'annexe 2.
Interconnexion de bas niveau
Un nouvel acteur constitue ou élargit son réseau de transport
et/ou ses boucles locales à partir des supports de télécommunication
fournis par les opérateurs de télécommunication (intégration
horizontale).
A la différence des opérateurs qui, historiquement, interconnectent
(intégration verticale) leurs propres composants élémentaires
(desserte point à point en cuivre, boucle métropolitaine ou
conduits longue distance en fibre, liaisons hertziennes ou satellite, équipements...)
en suivant leurs propres procédures internes (de mise en oeuvre,
de qualification, ...), ce nouvel acteur partiel doit s'appuyer
sur les règles et pratiques externes à ces opérateurs.
Ces pratiques sont le plus souvent non validées, sous-estimées
ou constituent une anomalie culturelle. Il se retrouve alors dans la situation
des opérateurs historiques lorsqu'ils interconnectent leurs réseaux
au niveau international. L'histoire des réseaux européens et
les échecs répétés des opérateurs historiques
à assembler leurs réseaux nationaux pour proposer à temps
une offre internationale de haut niveau et permettre l'émergence de
« carrier » pan-européen, ont mis en évidence
l'importance de ce problème d'interconnexion des infrastructures.
L'absence, en Europe, d'une pratique de cette interconnexion de bas niveau constitue un premier élément de retard technologique.
Interconnexion de réseaux IP
Elle permet aux Fournisseurs d'Accès Internet (FAI) d'étendre l'intérêt global de l'Internet. Bob Metcalfe affirme qu'il croît comme le carré du nombre d'éléments connectés. Tout FAI déploie son propre réseau IP de couverture régionale, nationale, internationale et intercontinentale par acquisition et, encore aujourd'hui, le plus souvent, par location de circuits de télécommunication ou par acquisition des droits de passage pour son trafic IP auprès de FAI revendeurs de capacité (tier-1 et tier-2 aux Etats-Unis). Le FAI interconnecte alors son réseau à ceux d'autres FAI comparables en taille et surtout en étendue géographique.
Cette interconnexion s'est faite historiquement - c'est toujours le cas en Europe - dans des lieux (les Global Internet eXchange, GIX ou Internet eXchange Point, IXP) réputés neutres et équitables pour chaque FAI participant. Ces GIX sont peu nombreux pour éviter de complexifier le routage. Des accords sont établis au niveau du GIX (accords "1 à N") ou plus couramment entre chaque FAI participant (accords « N à N »). Les FAI s'échangent dynamiquement les routes correspondantes. L'interconnexion se fait le plus souvent sans échanges financiers censés compenser des avantages inégaux.
Ce modèle a été corrigé sous la pression de situations inéquitables ou introduisant des avantages non souhaités en terme de concurrence.
L'interconnexion suit deux modèles économiques, selon les tailles respectives des acteurs (peering .vs. transit)
L'évolution outre-atlantique depuis 1995, qui n'a pas encore touché
l'Europe, conduit les plus grands FAI (les National Service Provider de niveau
1, SPRINT, MCI/Uunet, PSI) à déployer de très nombreux
points d'interconnexion privés deux à deux (peering privé),
et à ne participer aux GIX que pour y revendre de la capacité
IP (transit) aux FAI de moindre importance (les « Regional
Service Provider » de niveau 2 et leur « Resellers »
de niveau 3). Cette pratique de peering privé - techniquement
justifiable - manque de transparence. Les règles -
variables dans le temps - semblent surtout destinées à empêcher
l'arrivée de nouveaux acteurs au niveau 1.
L'interconnexion internationale est chère, les contenus européens sont insuffisants
Les acteurs européens de l'Internet se trouvent en situation de concurrence défavorable à la fois par l'existence de contenus plus importants aux Etats-Unis, par un effet de masse plus important aux Etats-Unis, par des coûts d'infrastructure de télécommunications excessifs en Europe et par la prise en charge par les européens du coût des infrastructures transatlantiques.
A l'instar du FAI américain, le FAI européen doit s'assurer
- à ses frais et à des tarifs européens bien supérieurs
- d'une connectivité IP nationale par son GIX national et d'une connectivité
continentale (européenne) en propre ou acquise auprès d'un revendeur
de capacité IP.
A l'inverse de son homologue américain, il doit également s'assurer
- dans les mêmes conditions défavorables - d'une connectivité
intercontinentale (transatlantique) vers au moins l'un des trois GIX Nord-Américains
(SprintNAP à Pensauken - New Jersey, MAE East à Baltimore -
Maryland, MAE West à San Jose - Californie), ce dont son homologue
américain se trouve ainsi dispensé.
Il peut également participer aux rares GIX régionaux.
Au niveau européen, chaque pays dispose maintenant de son GIX national, organisé selon des principes de mutualisation des coûts (la quote-part y est de 5000 à 10000 Euro), financés et contrôlés par les FAI participants. Les GIX de Londres (LINX) et de Stockholm (Stockholm D-GIX) figurent parmi les plus avancés sur le plan technique et surtout organisationnel.
Culture de l'interconnexion limitée en France
L'interconnexion des réseaux IP au niveau local évite de gaspiller la ressource onéreuse qu'est le réseau longue distance. Elle permet ainsi d'augmenter la fragile viabilité économique de boucles locales ou de fournisseurs IP locaux.
Le très faible nombre d'interconnexions locales de réseaux IP est le reflet de l'absence de solutions locales ouvertes qui, ayant attiré plus d'un acteur, les inciteraient à s'interconnecter :
Le GIX national de Paris - dans sa dimension régionale - met en évidence l'intérêt économique et les effets d'entraînement d'interconnexions au niveau IP. Les opérateurs de dimensions nationale et régionale présents à Paris tirent parti des offres très concurrentielles du haut débit métropolitain pour sur-dimensionner - selon les critères européens - leurs conduits vers le GIX et permettre une connectivité régionale abondante et économique, incitatrice de nouveaux trafics locaux.
Au niveau national, le principal lieu d'interconnexion est le GIX de Paris (SFINX, Service for French INternet eXchange). Déployé et dirigé par RENATER, il a eu un rôle moteur dans l'amélioration de la connectivité nationale. La quote-part faible (trente à soixante-mille francs par an), et très peu dépendante du débit, incombant aux participants, a favorisé à la fois l'apparition de nouveaux fournisseurs et des interconnexions à débit élevé. L'existence de financement public et des rapports contractuels avec l'opérateur du service (France Telecom) qui datent du début de la déréglementation, sont à l'origine des limitations techniques (impossibilité de se raccorder au GIX avec des circuits fournis par des tiers, impossibilité d'y héberger des équipements, manque de dynamisme dans l'évolution technique) ou organisationnelles qu'on ne retrouve pas ailleurs en Europe. Des initiatives privées comparables (PARIX de France Télécom, à Téléhouse) ou intégrées dans l'offre d'opérateurs revendeurs de capacité (le MAE de Paris) les complètent maintenant.
Les tarifs anormalement élevés pratiqués en Europe et plus encore en France pour les circuits européens et nationaux sollicitent très durement les budgets des FAI, les conduisent à sous-dimensionner les capacités déployées, à freiner le déploiement de capacités plus élevées et à consacrer dans leur budget une part proportionnellement moindre qu'aux Etats-Unis aux investissements en équipement et en personnel.
Ces limitations conduisent les FAI français à être plus souvent clients que pairs dans leurs relations internationales et intercontinentales. Elles les amènent également à se contenter de leur connectivité transatlantique et du transit qui est historiquement consenti outre-atlantique pour communiquer avec les autres continents (Asie, Australie, Amérique Latine). Ces limitations conduisent à des équipements sous-dimensionnés, des compétences rares ou absentes, un manque de maîtrise des techniques propres aux hauts débits, un manque de maîtrise du capillaire nécessairement plus complexe qui permettra d'atteindre de nouveaux clients. Ces limitations mettent les FAI français en situation de retard dans l'évolution technologique de l'Internet.
Ces limitations mettent les FAI français en situation d'infériorité
par rapport aux nouveaux arrivants en quête du marché européen.
Elles les mettent en situation de faiblesse dans leurs rapports stratégiques
avec les opérateurs de télécommunication. En Europe,
l'opérateur de télécommunication rachète le FAI (HER
et Ebone, Qwest et Eunet, France Télécom et Oléane),
ou alors c'est le FAI américain qui rachète le FAI Français (UUnet
et Iway, PSI et Calvacom).
Enfin, l'insuffisance des contenus en France et la localisation hors de France des contenus réputés plus intéressants exacerbent l'asymétrie des trafics et impliquent de sur-dimensionner les conduits internationaux dans l'absolu et de les sur-dimensionner aussi au niveau du sens - entrant - le plus chargé, avec, là encore, un impact économique négatif significatif. Ce sur-dimensionnement et cette asymétrie sont moins nets ailleurs en Europe, ils sont même en voie de régression en Allemagne.
Cette remarque sur les contenus nationaux et les conduits internationaux s'applique également au niveau des contenus locaux et des conduits nationaux ; initiatives régionales et contenus locaux et régionaux vont de pair.
Développer une culture de l'interconnexion en encourageant la transparence
Le retard français dans le déploiement de l'Internet a masqué les problèmes liés à l'interconnexion de réseaux. Au fur et à mesure que la capillarité augmente, ces problèmes vont devenir crtiques. La mise en place d'interconnexions économiques et performantes demande le développement de compétences et la collecte de données encore peu disponibles. Un effort tout particulier devra donc être engagé pour tirer le meilleur parti des déploiements du réseau de transport et des nouvelles boucles locales.
©1999 - Mission Développement technique de l'Internet - Mise à jour : 17/06/1999 - webmaster